Enseigne-nous à bien compter nos jours

Grès émaillé, cuisson oxydante 1280°, installation, D 7 cm H 25cm, 2020.

Le premier confinement a interrompu ma formation à l’IEAC de Guebwiller et je suis de retour chez moi, en Auvergne. Bien que mes conditions de vie soient agréables, autant que faire se peut, je peine à trouver l’énergie pour aller chaque jour travailler à l’atelier, comme engourdie, alourdie. Je me donne alors pour rituel la fabrication quotidienne d’une carafe. Cet objet est pour moi synonyme de convivialité. Celle-ci étant pour le moment impossible, je ferme chaque carafe. Elle est désormais inutile. A ce moment-là, je me sens moi aussi inutile, encombrée, impuissante. Chaque carafe est datée du jour de sa fabrication.

« Tandis que l’épidémie progresse, j’assiste à l’effritement de mon calendrier. Le mois de mars ne sera pas conforme aux prévisions. (…) C’est une sensation étrange de perte de contrôle, je n’y suis pas habitué mais je ne m’y oppose pas. (…) Cette crise est en relation étrange avec le temps. A notre façon d’organiser, de tordre, de subir le temps. (…) La normalité est suspendue. Le temps de l’anormal est venu, nous devons apprendre dans cette anomalie à trouver des raisons de l’accueillir, qui ne soient pas uniquement la peur de mourir. Le psaume 90 renferme une invocation qui me revient souvent à l’esprit en ces heures : « Enseigne-nous à bien compter nos jours, afin que nous puissions appliquer notre coeur à la sagesse. »

Contagions, Paolo Giordano